TRAVEN B.

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Ajouté il y a 5 ans - Dernière édition il y a 5 ans
Aimé par Ace of Spades : Le trésor de la Sierra Madre il y a 18 ans

Voici un livre très connu d'un écrivain qui l'est infiniment moins. De fait, on ne peut parler du Trésor de la Sierra Madre sans évoquer brièvement son auteur dont l'existence erratique, l'étrange et atypique parcours littéraire, ne font qu'aviver l'intérêt qu'on devrait lui porter.

Car tout est mystère dans la vie de cet homme. On le sait allemand d'origine, c'est à peu près la seule chose dont on soit certain, bien que d'aucuns affirment qu'il serait né à Chicago. On ne connaît rien de son enfance, tant l'intéressé s'est ingénié a brouiller les pistes sur cette période. Il se serait appelé Ret Marut, Otto Wiennecke ou Otto Max Feige, aurait été acteur, journaliste, militant anarchiste. Enfui d'Allemagne en raison de ses activités politiques et après avoir passé quelques temps à Londres, il débarque au Mexique en 1924. Horrifié par les conditions de vie des Indiens du Chiapas, il épouse leur cause. Ces derniers disperseront ses cendres sur leurs terres, à sa mort, en 1969.

La vie de ces Indiens, qu'on peut assimiler à l'esclavage le plus féroce, lui inspirera trois de ses livres les plus connus, Rosa Blanca, La révolte des pendus et La Charette.

Le Trésor de la Sierra Madre est publié en 1927, sous le pseudonyme de B. Traven. Au-delà de l'histoire - par ailleurs remarquablement bien contée - de ces trois clodos exploitant leur mine d'or, il s'agit d'une magistrale parabole sur l'inanité de la quête à tout prix de la fortune et des biens matériels. Mais là où un écrivain russe, par exemple, se serait étalé sur deux cents pages, Traven exprime son idée en quelques lignes d'une puissance rarement égalée. Même si l'on est surpris de prime abord par une certaine froideur de ton, on pourra apprécier un style clair, même "lumineux" comme je l'ai lu quelque part, et d'une modernité surprenante pour l'époque. De plus, l'auteur joue avec un rare bonheur de l'exercice difficile et scabreux qui consiste à varier les temps de conjugaison des verbes, alternant les passés simple et composé, le présent, le futur, donnant par là même au récit un rythme particulier, vivant, et assez jouissif. Ce qui me laisse à penser que la traduction n'a pas dû être effectuée par une quelconque bleusaille. Du moins dans l'édition que je possède, celle de la Guilde, laquelle date de 1946. D'ailleurs ce texte français a été établi par un traducteur ET un adaptateur, ce qui est inhabituel, il me semble…

Lisez ce livre, mes drôlets qui ont la chance de ne le point connaître encore, dont John Huston a fait un film très regardable, avec Humphrey Bogart, sorti en 1947. Bien sûr, à propos du bouquin, on ne peut vraiment parler de production récente. Mais comme le signale fort justement notre hôtesse dans son intro, l'essentiel est que l'émotion demeure…

Lorsqu'on a demandé à Einstein quel livre il emporterait sur une île déserte, il aurait répondu "N'importe lequel pourvu qu'il soit de Traven"…

Et l'avis d'Einstein, hein ?... Ça en jette quand même un peu plus que celui de votre concierge….

Ace of Spades